La syllepse grammaticale

Aujourd’hui, je vais évoquer un principe d’accord qu’on appelle la « syllepse grammaticale ». Quelle est-elle ?

Nous l’employons sans doute tous les jours sans le savoir, car c’est un principe assez courant finalement. Tout d’abord un peu de définition avant d’en venir au pratique.

Une « syllepse » est à la base une figure de style de rhétorique. Elle est utilisée lorsque dans une phrase on emploie à la fois le sens propre et le sens figuré d’un même mot. Je citerai pour exemple une phrase de Raymond Devos :

« Ce n’est pas que je prenne mon chien pour plus bête qu’il n’est. » Ici, le mot « bête » renvoie à deux sens différents, l’animal et la bêtise.

La syllepse grammaticale part aussi de ce principe, mais au niveau des accords des verbes et adjectifs.

Une syllepse grammaticale désigne un accord réalisé, non pas selon la règle stricte, mais selon la logique.

Voici un exemple : « la plupart des invités sont partis ». Ici le sujet « la plupart » est un singulier, pourtant on accorde le verbe au pluriel. Voici donc une syllepse grammaticale.

Il en existe globalement deux sortes, de genre et de nombre.

La syllepse de genre

Celle-ci est utilisée pour appuyer certains aspects. Par exemple dans la phrase « Elle a l’air heureuse », c’est une syllepse car on devrait écrire « heureux », qui s’accorde avec « air ». Ici, on insiste davantage sur le sens de « paraître » pour l’expression « avoir l’air ».

« Êtes-vous heureuse ? » est aussi du syllepse de genre, on n’emploie pas l’accord par rapport au sujet « vous » mais par rapport à ce qui fait sens dans la phrase. On la retrouve encore avec le mot « personne » (féminin) mais qu’on accorde parfois au masculin : « personne n’est arrivé encore ? » Idem encore dans cette phrase des Pensées de Pascal : « Une personne me disait un jour qu’il avait une grande joie et confiance en sortant de confession. » Il y a ici une syllepse entre « personne » et le pronom « il ».

La syllepse de nombre

Elle est un peu plus fréquente, notamment avec des expressions comme « la plupart » qui, bien que singulier, appelle un pluriel : « la plupart des députés sont partis », « beaucoup sont partis », « un grand nombre de députés sont partis », etc. Ici, elle est assez obligatoire, elle l’est devenue dirons-nous, car on peut trouver encore des accords au singulier mais dans un style plus ancien.

Madame de Sévigné écrivait même : «  Il a tout refusé, mais la noblesse de Rennes et de Vitré l’ont élu malgré lui. » (Lettres choisies). Ici bel exemple de syllepse où « noblesse » est considéré comme un collectif.

La syllepse est également fréquente avec le pronom « on », qui peut appeler un accord au pluriel, par exemple dans la phrase « on est arrivés ». Sachez que cette syllepse n’a aucun caractère obligatoire ici, même si elle tend à devenir très fréquente lorsque le « on » est employé pour un « nous ». « La maman dit : ma fille et moi, on est allées à la plage. »

Parfois, la syllepse peut s’avérer fautive, même si employée à l’oral : « j’ai appelé la police, ils sont venus rapidement. » Là, la syllepse (genre et nombre) n’est pas bonne. On devrait plutôt écrire « elle est arrivée ».

La syllepse grammaticale peut aussi revêtir un caractère stylistique, pour appuyer certains sens, on en retrouvera dans la littérature.

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