L’écriture des dialogues

Aujourd’hui, je vais vous parler un peu des dialogues dans un récit ou un roman. À travers mes corrections, je remarque souvent des problèmes de présentation de ceux-ci, du choix des guillemets, des tirets, mais aussi de la manière d’insérer les incises, leur teneur également. Bref, tout ceci me paraissait être une base intéressante pour rédiger un petit article synthétique.

Rappelons à toutes fins utiles qu’un dialogue DOIT apporter quelque chose au récit, et pas seulement noircir des lignes, comme on pourrait étendre inutilement une description. C’est la première chose importante à garder à l’esprit lorsqu’on écrit un dialogue à mon sens : qu’apporte-t-il au récit, aux personnages ? Ainsi, un dialogue apporte des informations, donne des indications sur les personnages, leurs sentiments, développe des relations entre protagonistes, conférer du suspense… Bref, il sert à caractériser le plus souvent vos personnages en dehors de la description physique, de leur background que vous pouvez développer dans le fil de la narration. Un dialogue bien construit donne donc de l’épaisseur au récit. Un dialogue du type :

« Tu vas bien ?

— Oui, et toi ?

— Bien ! »

n’apporte pas grand-chose par exemple. C’est assez creux. Il est préférable de glisser ces salutations en narration : « Après avoir échangé un bonjour, les deux hommes… »

La présentation des dialogues

La règle de base est d’ouvrir le dialogue avec un guillemet ouvrant (de type chevron : « à la française) et de le refermer par un guillemet fermant : ». Chaque nouvelle réplique au sein du dialogue est introduite par un tiret cadratin (ou tiret long alt + 0151, ctrl + alt + – du pavé num. ou encore dans les caractères spéciaux sous Word), séparé du texte par une espace insécable. Il est préférable de ne pas créer de liste à puce dans votre logiciel de traitement de texte, afin de conserver le même alignement gauche que la narration. Le dialogue ne doit pas être séparé de la narration par un saut de ligne, un retrait de corps de texte différent, ou un interligne plus important.

Exemple :

« Alors ? dit-il. Que se passe-t-il ?

— Il semblerait qu’il y ait eu un accident.

— Un accident ? ajoute-t-il avec une pointe d’angoisse. Mais comment est-ce possible ?

— L’une des voitures a perdu le contrôle… » précise le policier.

Comme on peut le remarquer, les incises (mises dans une couleur différente) sont séparées du dialogue soit par un point d’exclamation ou interrogation, soit par une virgule ou des points de suspension. On ne met pas de majuscule au début d’une incise, même si le correcteur de Word vous les réclamera ! L’incise est également englobée dans le dialogue. On ne coupe pas celui-ci avec des guillemets pour insérer l’incise. En revanche, si l’incise est longue, on fermera les guillemets avant celle-ci et on retournera à la ligne.

La question de la présentation se pose aussi pour les monologues d’un personnage que l’on voudrait découper en paragraphes (ce qui est tout à fait possible). Dans ce cas, un simple retour à la ligne peut tromper le lecteur et lui faire croire qu’il s’agit d’une narration et non de la suite du monologue. Il existe une possibilité, celle d’employer un guillemet ouvrant (ou fermant, au choix) à chaque début de paragraphe d’un monologue. C’est un usage qui est peu connu de nos jours mais qui est pourtant pratique, et permet de distinguer qu’il s’agit de la suite du dialogue lorsqu’on n’utilise que des tirets pour les répliques.

De nos jours, l’usage des guillemets tend à décroître dans l’édition, au profit des tirets longs uniquement. Cela simplifie la composition du texte.

— Alors ? dit-il. Que se passe-t-il ?

— Il semblerait qu’il y ait eu un accident.

— Un accident ? ajoute-t-il avec une pointe d’angoisse. Mais comment est-ce possible ?

— L’une des voitures a perdu le contrôle… précise le policier.

L’enrichissement des dialogues par les incises

Les incises sont des éléments clés des dialogues. Non seulement elles permettent de préciser la personne qui parle (j’y reviens tout de suite), mais aussi de donner des précisions sur un état d’esprit, une réaction, un mouvement des personnages, induits par le dialogue.

La première chose, c’est bien sûr d’indiquer qui est le locuteur. C’est peut-être évident mais je vois souvent des successions de répliques sans qu’un personnage soit indiqué comme tel. Là, même si cela paraît évident pour l’auteur, on peut faire perdre facilement le fil au lecteur. Aussi, pensez à préciser les locuteurs de manière régulière. Attention, pas à chaque réplique non plus, car cela alourdit la lecture. Bref, il y a un dosage à trouver, un bon équilibre entre précision nécessaire pour le lecteur et fluidité de lecture. Je ne crois pas qu’il y ait de règle qui s’appliquerait à toute situation. C’est le ressenti de l’auteur qui fera le nécessaire. Songez que, même s’il s’agit d’un échange entre deux personnages, il est utile d’indiquer par moments l’identité du locuteur.

En outre, l’incise ne sert pas qu’à cela. On peut ajouter des réactions des personnages, des sentiments par exemple qui vont enrichir le dialogue et donner de l’épaisseur au personnage, bref ce qui fait qu’ils seront crédibles. Une incise peut aussi donner des précisions de lieux, d’intervention d’autres personnages…

Je remarque aussi souvent l’emploi systématique des mêmes verbes d’introduction des incises. Les « dit-il », « répondit-il », « demanda-t-il », etc. Parce qu’à travers les paroles, de nombreux sentiments passent, il est nécessaire que vos incises renvoient toute la richesse du langage de vos personnages.

Ils peuvent donc : hurler, crier, tonner, gronder, parler sèchement, lancer d’un ton acerbe, fustiger, rétorquer, répliquer, maugréer, vociférer, sermonner, bramer, rugir, brailler, beugler, ironiser, accuser, s’énerver, rager, vilipender, vitupérer, ordonner, sommer, narguer, persifler, injurier, s’emporter, s’exclamer, réprimander…

Encore : balbutier, marmonner, grommeler, ânonner, baragouiner, bégayer, débiter, déclamer, haleter, articuler, susurrer, minauder, miauler, ronchonner, s’excuser, admettre, reconnaître, compatir, se plaindre, gémir, expliquer, détailler, préciser, ajouter, accepter, s’enquérir, s’interroger, formuler, narrer, raconter, observer, conter, commenter, indiquer, risquer, regretter, acquiescer, commenter, protester…

Encore : juger, hasarder, imaginer, proposer, suggérer, supputer, estimer, regretter, confirmer, concéder, renchérir, exprimer, approuver, désapprouver, souscrire, adjurer, exhorter, rappeler, solliciter, supplier, quémander, implorer, encourager, plaisanter, pouffer, piaffer, rire, sourire, blaguer, badiner, glousser, gouailler, seriner, prophétiser, fanfaronner…

Cette petite liste n’a rien d’exhaustif bien entendu, mais elle permet de montrer qu’on peut tout à fait s’écarter des successions de « dire », « demander », etc. Cela apportera de la précision dans les répliques, avec un vocabulaire adapté aux sentiments de vos personnages.

Équilibre dialogues – narration

Il me paraît aussi important de conserver un équilibre entre la narration et les dialogues. Je vois souvent passer des romans en correction où les dialogues représentent plus de 80 % de l’ensemble du texte, laissant la portion congrue à la narration et tout ce qu’elle peut apporter en enrichissement. L’auteur a ainsi le sentiment de mettre l’accent sur les personnages et leurs interactions. Certes, mais j’ai plutôt l’impression que cela laisse une sensation d’inachevé, comme si les personnages n’évoluaient que sur un arrière-plan flou, mal défini, voire pas du tout. Cela reviendrait presque à tourner un film avec des acteurs sur un fond blanc. Le résultat serait sans doute plat pour un film. Même les pièces de théâtre se déroulent dans un décor, qui est parfois minimaliste certes, mais qui est présent. Et ce sont des pièces de théâtre, pas des romans.

Je crois en l’importance de donner aussi aux personnages une épaisseur à travers l’environnement dans lequel ils évoluent. S’il n’influence pas nécessairement leurs réactions, du moins pas forcément à chaque fois, le décor a un rôle dans un roman. N’axer que sur les dialogues laisse un sentiment de superficialité en somme. Comme si l’auteur n’allait pas au fond des choses avec ses personnages. Il est dommage de faire évoluer un couple amoureux dans Paris sans faire ressentir l’ambiance, l’atmosphère de la ville aux lecteurs, car elle influe sur leur comportement. Du moins, c’est mon avis.

4 comments on “L’écriture des dialogues”

  1. Morin Répondre

    Bravo pour la liste de possibilités dans la rédaction des incises, comme « hurler, crier, tonner, gronder, parler sèchement, lancer d’un ton acerbe… ». Attention toutefois à ne pas écrire des choses absurdes. Je me rappelle ainsi avoir lu dans un quotidien que je corrigeais : « “Nos ventes n’ont jamais été aussi bonnes”, se frottent les mains les dirigeants de maisons de disques. » Je m’en souviens encore au mot près.

  2. Ghaan écrivain Répondre

    Merci! Enfin un article sur les guillemets! moi qui suis perdue! 😉
    Bon perso, je préfère éviter les dialogues indirects car ça me gêne toujours d’en lire même chez des écrivains que j’adore. Je préfère faire en sorte que les personnages ne parlent pas pour ne rien dire. Mais c’est une question de goût 😉
    Sinon, je me méfie aussi des incises trop tirées par les cheveux. Je crois que c’est Stephen King qui disait que parfois, écrire « dit-il » est divin 😉 J’ai tendance à considérer que si le personnage et la situation ont été bien planté, alors le lecteur n’a pas besoin qu’on lui redonne un milliard d’indication. mais tout dépend du moment!
    En tout cas cette liste et l’ensemble de l’article sont des outils précieux que je me garde dans un coin de table ^-^

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