Cette réflexion peut paraître au premier abord farfelue. Eh oui, si je signe chez un éditeur, de toute façon mon manuscrit sera corrigé !
« C’est pas faux » comme dirait Perceval (oui, je suis fan de Kaamelott).
Or, vous le savez très certainement si, comme moi, vous avez subi de nombreux refus de la part de comités de lecture, la sélection, notamment chez les « grands » éditeurs historiques, est plus que drastique, sachant que certains reçoivent une dizaine de manuscrits par jour – soit plus de 300 par an –, et sachant enfin qu’une infime partie uniquement est éditée.
Cela devient une évidence : pour espérer décrocher un contrat (je parle ici pour le moment uniquement de la voie « classique », c’est-à-dire un contrat à compte d’éditeur), il faut que votre manuscrit soit le « meilleur » possible, dans le fond comme dans la forme. Autant le dire, un manuscrit présentant dix fautes par page a de grandes chances d’être refusé, même si vous êtes persuadé d’avoir écrit LE roman de la rentrée littéraire (près de 600 titres chaque année en moyenne…). S’il y a trop de fautes en outre, le coût de la correction pour un éditeur sera plus élevé (plusieurs passages nécessaires).
La correction purement orthographique, grammaticale, constitue le premier niveau du travail d’un correcteur. Bien sûr, vous avez utilisé le gadget correcteur automatique de votre traitement de texte, voire un outil un peu plus puissant tel qu’Antidote, Prolexis ou Scribens en ligne, qui aura épuré votre manuscrit des grosses coquilles et fautes de frappe. Si vous avez l’habitude de les manier, vous aurez remarqué qu’ils peuvent être efficaces mais ils laissent passer assez régulièrement des fautes d’accord – et notamment la bête noire de beaucoup, les participes passés de l’auxiliaire avoir – et en ajoutent même parfois. De ce point de vue, un cerveau humain ne sera jamais vraiment remplacé.
Le travail du correcteur, sur la demande de l’auteur, peut s’arrêter ici. Débusquer les coquilles. Même si vous êtes un as de l’orthographe, il est virtuellement impossible de se corriger soi-même. Vous aurez relu cinq fois, dix fois votre phrase et, malgré tout, la petite boulette sera toujours là.
Au-delà, l’intérêt de travailler avec lui se situe essentiellement dans les niveaux de correction suivants. J’ai le sentiment que le correcteur vient combler cette sorte de solitude que l’auteur entretient face à son manuscrit. Il est (la plupart du temps) le seul à l’avoir pensé, décortiqué, écrit et est finalement son seul critique. Alors on fait lire son texte à la famille, aux amis mais ils vous affirmeront sans doute que vous avez écrit le futur best-seller. L’avis des proches est utile mais avec le risque que l’objectivité ne soit pas totale.
Si vous maniez les réseaux sociaux, vous pourrez sans doute trouver des bêta-lecteurs et qui vous donneront un avis plus précis sur vos écrits. C’est une étape particulièrement intéressante, enrichissante, utile dans le sens où elle pourra vous aider à « encaisser » de futures critiques, ce qui est toujours difficile. Elle vous permettra aussi de repérer certains écueils à votre texte, non plus dans la forme mais dans le fond. Mais ces bêta-lecteurs ne feront pas une analyse approfondie de votre manuscrit la plupart du temps.
C’est ici que se pose le véritable travail du correcteur-relecteur. Le deuxième niveau de correction va bien plus loin que l’orthographe en signalant sur l’ensemble du texte toutes les maladresses éventuelles de style : répétitions, phrases trop longues, style trop ampoulé ou à l’inverse trop basique, syntaxe, utilisation impropre d’un mot… Selon votre choix, le correcteur pourra proposer des pistes de correction ou simplement vous signaler les maladresses, vous laissant le soin de les corriger.
Le correcteur est aussi un bêta-lecteur personnel qui donnera un avis objectif sur le fond de votre manuscrit. Il pourra indiquer d’éventuelles pistes à suivre dans la manière de retravailler le texte, des incohérences à corriger dans le déroulement de l’histoire, la time-line, les personnages, etc.
Si vous êtes dans le cadre d’un contrat à compte d’auteur, ou si vous visez l’auto-édition de plus en plus en vogue, le travail du correcteur s’attardera à rendre un fichier « prêt à imprimer », non pas sur la mise en page mais sur le texte, c’est-à-dire en travaillant également la typographie, ce qui n’est pas véritablement nécessaire si vous souhaitez passer par la voie « classique » du contrat d’éditeur : c’est lui qui se chargera de mettre votre texte selon ses propres normes typographiques, notamment s’il est prévu s’insérer dans une collection préexistante ayant ses propres règles.
Voilà une première approche du travail de correcteur, une vue d’ensemble rapide mais qui vous donnera, je l’espère, une meilleure idée de son rôle dans la chaîne éditoriale.